Par Chris Reyns Chikuma
professeur de litterature, Universite de l'Alberta, dans Alternatives francophones, vol.1, no 5, 2012
Lien : http://ejournals.library.ualberta.ca/index.php/af/article/view/18093/14245
Pdf :
Par Isabelle Quenneville :
Interview réalisée le 9 juin 2011 :
http://www.rafa-alberta.ca/alinea/ecrivains/ecrivain_entrevue.php?id=30
Par Lysane Sénécal Mastropaolo
L’auteur Roger Fodjo lançait son livre Les poubelles du palais, publié aux éditions l’Harmattan, le 7 octobre dernier, à la librairie Le Carrefour, à la Cité francophone d’Edmonton.
L’auteur Roger Fodjo lançait son livre Les poubelles du palais, publié aux éditions l’Harmattan, le 7 octobre dernier, à la librairie Le Carrefour, à la Cité francophone d’Edmonton.
Environ 25 personnes se sont déplacées pour rencontrer M. Fodjo. Originaire du Cameroun, l’homme est venu présenter son roman policier qui aura nécessité deux ans de recherches historiques que l’auteur a qualifiés de difficiles. « J’ai trouvé des indices, mais aucun document officiel. Il s’agit d’un secret d’Etat en France », précise-t-il.
L’histoire se déroule à notre époque et a lieu dans l’hexagone. Elle ramène certains faits historiques encore cachés aujourd’hui dans les archives françaises.
Faire de l’histoire le levier de l’avenir
Un jeune Africain, Cyprien Ghezo, effectue des études à Paris et découvre par hasard un crime qui a été commis sous le règne de Louis XIV. Les services secrets français désirent empêcher Cyprien de divulguer ce secret qui jetterait la honte sur l’Ancien Régime de France.
Il s’agit de la disparition d’un enfant illégitime né de l’amour entre la reine de France et un esclave africain (le prince héritier du Royaume du Dahomey, aujourd’hui le Bénin) introduit à la cour du roi. La police française se mettra donc à traquer Cyprien afin que ce dernier ne puisse faire éclater le secret au grand jour. « Je suis un peu sadique, j’ai fait subir à mes personnages toutes les difficultés que j’ai pu imaginer », de dire l’auteur lors du lancement.
Le livre publié à Paris au mois d’avril dernier aura pris quelques mois avant de traverser l’Atlantique. Ensuite, la frénésie de la rentrée scolaire a convaincu l’auteur d’attendre un certain nombre de semaines avant le lancement officiel. Une attente qui ne gênerait aucunement, selon M. Fodjo, « un livre sorti du 17e siècle ne saurait vieillir à cause de quelques mois », ironise-t-il. Ce dernier affirme que l’œuvre a été bien reçue en France.
Quelques personnes présentes au lancement avaient justement déjà lu le livre. Plusieurs questions profondes de nature philosophique et qui parfois remettraient en question les principes même du roman ont été posées à l’écrivain qui se réjouissait de pouvoir nourrir le débat.
Relire son histoire
Avec ce livre, Roger Fodjo ne cherche d’ailleurs pas à confronter la France, mais l’invite plutôt à accepter son histoire et à corriger ses rapports avec les peuples avec qui elle entretient des relations. Il cherche plutôt à utiliser l’histoire pour bâtir le futur.
« Les Noirs ont fait l’histoire, mais il y a eu une volonté manifeste de la cacher. Je veux leur redonner leur histoire et l’esprit de vainqueurs », affirme l’auteur qui soutient que cet aspect a contribué à fabriquer et maintenir la misère du peuple africain.
L’auteur
Roger Fodjo compte maintenant deux publications à son actif. Son premier ouvrage, J’ai six fois vécu, est un recueil de nouvelles littéraires paru en 2007. L’auteur travaille présentement à son prochain livre, Prête-moi ton destin, à paraître en 2012.
M. Fodjo parle Baham, sa langue maternelle, ainsi que le français, l’anglais et l’espagnol qu’il a d’ailleurs enseigné. Habitant Edmonton, il travaille présentement comme traducteur. L’écriture est pour lui une raison de vivre, même s’il soutient qu’une langue finit toujours par trahir sa pensée puisqu’elle est incapable de rendre fidèlement les émotions ressenties.
Lysane Sénécal Mastropaolo : Le Franco, Vol.45, n°38, 13-19 octobre 2011, P.13
Avec son roman historique Les poubelles du palais, l’auteur Roger Fodjo, d’Edmonton, explore les coulisses du château de Versailles en France, qui n’a pas fini de révéler ses secrets.
Les poubelles du palais, paru aux éditions l’Harmattan en avril dernier, relate l’histoire de Cyprien Guézo, prince héritier de la couronne du Dahomey, l’actuel Bénin, en Afrique de l’Ouest. Le personnage, passionné par l’histoire et l’art, décide de s’engager comme ouvrier dans la rénovation d’un monument historique à Paris. Il y découvre les indices d’un crime commis sous l’Ancien Régime et que la France n’a toujours pas révélé au grand public.
Roger Fodjo, qui réside à Edmonton depuis trois ans, indique qu’il lui a fallu deux ans d’enquête pour écrire les 282 pages de ce roman historique.
A travers Les poubelles du palais, M. Fodjo espère éveiller les consciences et diffuser son message. « L’histoire reste très actuelle parce qu’elle évoque surtout la discrimination raciale et sociale, qui est encore très forte en France, en Europe et ailleurs dans le monde. Il faut dire que certains emplois ou universités refusent encore des dossiers de candidature parce que les postulants sont étrangers », de dire M. Fodjo.
Son roman est actuellement en vente autant en Europe qu’en Afrique, et Roger Fodjo compte prochainement le rendre accessible dans la région.
Aline Essombe : Le Franco, Vol.45 n°22, 2-8 juin 2011, P.15
Par Stéphanie Dongmo
Dans son recueil de nouvelles, Roger Fodjo promène le lecteur dans six mondes fantasmagoriques inspirés parfois de contes populaires.
« Je ne fais pas de la fiction, ceci est du vécu ! », ainsi s’exclame Roger Fodjo par la bouche de César Etoundi, le héros des six nouvelles analogiques de son recueil Intitulé J’ai six fois vécu, paru en 2007 aux éditions Editeur Indépendant à Paris. Mais contrairement à cette affirmation, les six récits qui sont autant d’expériences vécues par Etoundi depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte décrivent des situations qui permettent aux lecteurs de sonder l’absurde et le fantastique. Dans la troisième nouvelle du recueil intitulée Métamorphose, César Etoundi est un scénariste. Pour donner une expression physique satisfaisante au personnage central de son scénario, il se concentre si fort qu’il change de traits et prend la physionomie de celui-ci. A telle enseigne que même sa femme, Agathe, ne le reconnaît pas. Très vite, les médias, de même qu’une équipe de scientifiques constituée de psychologues, de biologistes, de physiologistes et de neurologues, se passionnent pour son cas. Un médecin finit par découvrir que le cerveau d’Etoundi a émis tellement de neuropeptides (graines de pensées) pendant le temps qu’il imaginait son personnage que tout son système hormonal s’est retrouvé complètement envahi. Dès lors, la rumeur court la ville et laisse croire qu’il peut, par la seule force de sa pensée, modifier l’apparence des gens et que cette métamorphose garantit la vie éternelle. Pour sortir de l’étau qui se referme inexorablement sur lui, Etoundi modifie le personnage de son scénario et retrouve sa physionomie première.
Les autres nouvelles du recueil racontent des univers tout aussi fantasmagoriques, qui s’inspirent parfois des contes populaires. Ainsi retrouve-t-on les morts-vivants réduits en esclavage par leurs sorciers de maîtres, des fantômes qui se nourrissent de l’énergie vitale des vivants ou encore un cirque merveilleux où tout s’écroule à la fin dans un scénario digne du Livre de l’Apocalypse. Raconté à la première personne, ces événements se déroulent pour la plupart au quartier Bonabéri à Douala. Cependant, leur caractère mystérieux détache le lecteur de tout référentiel géographique pour l’entraîner dans un univers fantasmagorique au pouvoir captivant. Par ailleurs, les six nouvelles qui symbolisent les six mondes de la métempsychose plongent les protagonistes dans un tragique de situation qui permet à l’auteur d’en sonder la profondeur, en mêlant l’onirisme à une réalité troublante. Le recueil semble aussi mettre à nu les propres angoisses et interrogations de son auteur quant aux choses qui dépassent notre compréhension. Au-delà de l’étrange, J’ai six fois vécu nous dévoile un lieu de beauté, d’amour et d’évasion (…)
Stéphanie Dongmo : « Arts, spectacles et médias », Le Jour n°493 du 24 juillet 2009, p.13
Par Alexandra Prescott
Le 30 septembre dernier, pour clôturer la première édition du Salon du livre francophone d’Edmonton organisé par le Carrefour au TransAlta Arts Barns, plus d’une trentaine de personnes étaient présentes pour une table ronde dont le sujet était Ecrire en français en Alberta.
Les cinq auteurs présents à cette soirée étaient Guy Armel Bayegnak, Luc Dostie, Roger Fodjo, Nadine Mackenzie et Jocelyne Verret-Chiasson. Tous habitent maintenant l’Alberta, mais aucun n’est originaire d’ici.
Pendant plus de 90 minutes, les auteurs ont pu débattre sur différents sujets reliés à l’écriture en français et au travail qu’ils font dans un contexte majoritairement anglophone.
Le premier auteur à prendre la parole a été M. Fodjo. Il est d’origine camerounaise et a vécu en France (…) Selon lui, il y a des contraintes à écrire en français en Alberta et dans l’Ouest canadien et ce, dans deux mondes aux intérêts divergents, l’écriture et l’édition.
« La liberté de l’écrivain, c’est celle de choisir son thème, le lieu où il écrit. Il choisit également ses personnages. Tout cela est une illusion de liberté jusqu’au moment où il se présente devant un éditeur qui, lui, pense à l’argent », s’exclame-t-il. C’est à ce moment que la liberté de l’écrivain finit. Dans l’Ouest, l’écrivain francophone en plus de ces contraintes éditoriales, doit travailler avec la langue minoritaire. Mais, pour l’éditeur, est-ce rentable ? « Ҫa semble très difficile de pouvoir faire éditer un livre en français ici », explique M. Fodjo (…)
Les auteurs ont également exprimé leur point de vue sur la façon de cibler et de toucher le public francophone (…) « Je veux toucher le public du monde entier et moi, je m’entête à écrire en français. C’est malgré moi que j’écris dans toute langue, y compris la française (1). Vous ne savez pas comment on perd de la pensée à la langue. Alors, si on pense, on écrit en français et on traduit en anglais, on perd beaucoup. La langue, c’est une chaîne de symboles arbitrairement interprétés. Lorsque les symboles se multiplient en chemin, on perd énormément », conclut l’auteur.
Ces cinq auteurs s’entendent tous sur un même point. Ils vont continuer d’écrire en français, même si cette langue est minoritaire en Alberta. Ils trouvent très important de promouvoir cette langue.
Alexandra Prescott : Le Franco, vol.43 n°37, 9 octobre 2009, P.5
(1) Ces propos que j'ai tenus ont plus d'une fois réveillé la curiosité de plusieurs lecteurs qui n'ont pas hésité à m'écrire pour demander des éclaircissements.
Mes propos étaient un peu plus expliqués que ceux qui ont été finalement publiés dans l'article. Si vous voyez à la suite de la citation "C'est malgré moi que j'écris dans toute
langue, y compris la française", vous verrez que je parle de la trahison de la pensée par la langue. C'est de cette imperfection de la langue que j'avais parlé lors de la table
ronde. Toutes les langues du monde comme vous le savez utilisent des signes pour s'exprimer, la plus petite unité étant la lettre, suivie du mot, puis de la phrase, du paragraphe,
pour enfin aboutir au texte. Les linguistes reconnaissent unanimement que ces signes ne représentent pas la même image dans la tête de tous les lecteurs. Leur interprétation est
toujours arbitraire, chacun voyant dans un mot ou un texte ce qu'il a envie de voir ou ce qu'il est capable de voir. Dans l'expression TENDRE LA MAIN, un lecteur dira que c'est
pour saluer, un autre verra que c'est pour réclamer un dû, un troisième pensera que cette main est tendue pour secourir. Cet exemple me permet juste de montrer que la langue est
un instrument imparfait de communication. Il en est de même pour les langages codifiés (couleurs, gestes, bruitages, attitudes etc). Si j'utilise les langues malgré moi, c'est
parce qu'elles ne me permettent pas de décrire entièrement ce qui se forme dans ma pensée. De ma pensée au livre il y a eu beaucoup de perte en chemin, beaucoup de trahison
involontaire. De nombreuses idées et sensations restent inexprimées parce que la langue écrite n'a pas de mot exact pour les rendre. La deuxième perte, la plus immense, se situe
entre le livre publié et le lecteur. Le lecteur perçoit à sa manière ce que l'auteur a dit, qui parfois est différent de l'intention de ce dernier. Ne vous est-il jamais arrivé de
demander qu'on rectifie vos propos parce qu'on vous a mal compris ? Et dans ce cas, l'unique coupable est la langue qui est imparfaite.
Je rêve d'un mode de communication direct qui mettrait les consciences en relation sans médiation, de sorte que ma pensée puisse toucher directement mon destinataire sans
instrument interposé. De cette façon il percevra totalement et parfaitement ce que je souhaite communiquer. En attendant que l'évoluton du genre humain atteigne ce niveau, je
continuerai quand même d'écrire dans nos langues existantes.